Montréal, mercredi 8 juin 2016 – Ce mercredi soir, l’ambiance sera euphorique au Quartier général du FTA alors que se termine la 10e édition du Festival TransAmériques. Pendant 14 jours, du 26 mai au 8 juin 2016, 25 spectacles et événements consacrés à la danse et au théâtre ont électrisé les scènes de Montréal à l’occasion du FTA. Signée pour une deuxième année par Martin Faucher, la programmation a rallié plus de 53 500 festivaliers et le taux d’assistance a atteint un pourcentage vertigineux de 97 % — du jamais vu. Friand de création contemporaine, le public a vivement répondu à l’appel des artistes, 15 spectacles sur les 22 présentés en salle affichant complet.

2016 en chiffres :

  • 53 500 festivaliers
  • 97 % d’assistance en salle, 15 spectacles à guichet fermé
  • 70 représentations de 25 spectacles en provenance de 8 pays (Allemagne, Belgique, Canada, États-Unis, France, Italie, Pays-Bas, Suisse)
  • 12 coproductions dont une coproduction internationale
  • 11 créations 2016 dont 10 premières mondiales
  • 10 premières nord-américaines
  • 78 activités composant les Terrains de jeu (rencontres avec les artistes, tables rondes, films, cliniques dramaturgiques, classes de maîtres, fêtes)
  • 2 072 nuitées générées directement par les activités du Festival
  • 140 diffuseurs et programmateurs en provenance de 20 pays (Allemagne, Angleterre, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Italie, Japon, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays de Galles, Pays-Bas, Suisse)
  • 128 artistes en provenance de 17 pays (Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Canada, Corée du Sud, Espagne, États-Unis, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Slovénie, Suède, Suisse)
  • 181 journalistes accrédités dont 20 de l’extérieur du Québec (Allemagne, Belgique, Canada, États-Unis, France, Israël, Italie, Japon)

Cri de détresse pour la suite du monde

S’il y a une idée maîtresse à retenir des propositions artistiques présentées lors de cette 10e édition, c’est qu’elles témoignent de la fin d’une époque. Chacune à leur façon, les œuvres rassemblées ont reflété un monde qui tire à sa fin et se disloque, épuisé, et qui devra apprendre à se recomposer. Ce nécessaire renouveau ainsi que ce besoin de se redéfinir collectivement ont été exprimés par les corps, les mots et la matière, dans une diversité esthétique qui appelait aux contrastes : de l’opulence au dénuement, de la noirceur à la joie.

Dès l’ouverture avec la désopilante comédie Une île flottante / Das Weisse vom Ei, qui marquait le retour au FTA du grand maître Christoph Marthaler, le temps était détraqué, les corps relâchés, le décor vidé. The Black Piece poursuivait en montrant des êtres qui se cachent, fuient, peinent à être ensemble. Jamais assez a dessiné une danse poétique de fin du monde en célébrant la vigueur incroyable de l’être humain. Quant à eux, les Italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini ont revandiqué le droit de dire non devant ce monde sans pitié dans deux véritables bijoux théâtraux (Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni et Reality) avec une force et une sensibilité salvatrices qui donnaient l’espoir de continuer malgré tout.

La technologie demeure un outil imparable pour évoquer le monde actuel. Si dans Con grazia les machines grondaient, prêtes à détruire ce que l’homme ne parvenait pas à démolir, Siri parlait avec humour des avancées et des failles de l’intelligence artificielle. Ces intriguantes possibilités numériques étaient également au cœur de l’ambitieux projet de l’opéra fantasmagorique L’autre hiver, dont la deuxième représentation a malheureusement dû être annulée, ironiquement en raison d’une panne informatique.

Cette édition du FTA était traversée par un rire libérateur. Ce rire souvent jaune, cynique, distillait le malaise, notamment dans The Ventriloquists Convention, où les objets inanimés prenaient vie pour mieux révéler la fragilité de l’homme ; dans Logique du pire, les pires pensées des individus étaient livrées dans une langue caustique et acidulée.

En terme de S.O.S., on ne peut passer sous silence celui qu’a admirablement adressé cet autre grand maître qu’est Romeo Castellucci dans Go Down, Moses, ébranlant avec force, mystère et raffinement les festivaliers.

Bien sûr, la scène demeure un formidable espace de transcendance, de dépassement de soi, comme l’a encore une fois admirablement prouvé Louise Levacalier dans Mille batailles, de même que les infatigables danseuses réunies dans multiform(s) et l’époustouflant Trajal Harrell scandant « Don’t stop » dans Judson Church Is Ringing in Harlem (Made-to-Measure).

La danse et le théâtre ont toujours été sources de questionnements identitaires. Mercurial George de Dana Michel plongeait dans le vif du sujet avec une intrusion fascinante dans la marginalité urbaine. Dans une entreprise de séduction massive, Pieter Ampe a affiché toute la vulnérabilité et la dignité de l’homme d’aujourd’hui dans So You Can Feel pendant que Manon Oligny cherchait à déprogrammer les filles en série inspirées de l’essai féministe signé Martine Delvaux dans Fin de série. Dans Pluton – acte 2, les identités et les démarches de créateurs trentenaires et de performeurs plus âgés réunis par La 2e Porte à Gauche se fondaient, se répondaient, les réflexions de tous ses participants trouvant écho dans l’exposition Hydra.

Pour mieux interpeller leurs contemporains, les limites habituelles de la scène n’existaient plus. Dans Nos serments, des séquences filmées dialoguaient directement avec les codes du théâtre. Pour J’aime Hydro, Christine Beaulieu a consacré des mois, voire des années à mener une passionnante enquête citoyenne sur Hydro-Québec, dans un rare geste d’engagement.De son côté, le performeur Stewart Legere de Let’s not Beat Each Other to Death livrait un discours bouleversant sur la violence avant d’inviter les spectateurs à le rejoindre sur scène pour une célébration exutoire. Posée au cœur de la Place des Arts, l’installation architecturale, sonore et chorégraphique Corps secret / Corps public intriguait et troublait les nombreux passants à toute heure du jour. Pour 2Fik, l’occupation de l’espace public de la place des Festivals prenait une toute autre signification. Tout au long de ses 36 heures de performance, il n’a cessé de partager sa démarche artistique aux spectateurs avides de saisir son projet fou de Chasse-galerie revisitée.

Le Festival a culminé avec le plus que festif Gala de Jérôme Bel, invité pour la première fois au FTA, où tous les corps, jeunes et vieux, avaient droit de cité sur scène dans un délirant amalgame conviant amateurs et danseurs virtuoses.

Que nous réservera la 11e édition du Festival TransAmériques en 2017 ? Le FTA annonce avec fierté que le spectacle 100 % Montréal de la compagnie allemande Rimini Protokoll sera présenté en ouverture, en collaboration avec la Société des célébrations du 375e anniversaire de Montréal. La programmation, dévoilée dès mars 2017, se déploiera du 25 mai au 8 juin 2017.

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