© Hamza Abouelouafaa

Racines et canopées

« Nous voulons parler d’art. » C’est la réponse claire et univoque du chorégraphe libanais Ali Chahrour lorsqu’on lui demande ce dont lui et son équipe souhaitent parler avec le public du FTA. En ouverture de la 18e édition, sa pièce كما روتها أمي / Du temps où ma mère racontait exalte la puissance de l’amour maternel, soulevé par l’énergie de la perte et de l’espoir. Déterminé à créer ses spectacles à Beyrouth, Chahrour réclame cet espace où s’incarnent d’autres récits et d’autres vies, d’où jaillissent ravissements ou deuils. À travers cette programmation qui n’échappe en rien aux désordres du monde, nous réclamons nous aussi la poésie, l’accès à la complexité qui nous entoure et la possibilité de raconter autrement.

Qu’on fasse l’amour avec des fleurs ou avec le cosmos, la pulsion de vie fait son chemin dans la dizaine de créations qui verront le jour au Festival. Des plantes parlent, un chien chante, un griot défie la machine. D’un commun accord, les artistes semblent nous dire que rien n’est universel, ni le socle de la famille, ni les vérités de l’Histoire, ni la binarité entre l’ancien et le nouveau, encore moins celle entre les genres… Pour circuler sur cette planète en feu, ne faut-il pas prendre appui sur d’autres relations, vite apprendre à manier d’autres langages ?

Nous voulons conspirer avec les plantes et nous inspirer de leur solidarité radicale, comme le suggère l’anthropologue canadienne Natasha Myers. L’écologie, rappelle-t-elle, est une manière de s’allier aux résurgences autochtones. Les savoirs et la pensée prospective des artistes des Premiers Peuples, des Ingas de l’Amazonie aux Bundjalung de l’Australie, traversent à nouveau cette édition.

Tant d’arbres charpentent notre programmation. Les forêts boréales et celles de l’Amazonie que relie Nigamon / Tunai ; les arbres en péril qu’honore Being Future Being ; la sépulture des chênes liège de Catarina et la beauté de tuer des fascistes ; ou la flamboyante canopée de Carte noire nommée désir. Sans compter les arbres de Tio’tià:ke, nos compagnons quotidiens, et les oliviers de la Palestine que tout rappelle à notre conscience. Nous leur dédions notre troisième Journée d’écologie décoloniale, en compagnie d’une remarquable famille d’artistes, de penseur·euse·s et de porteur·euse·s de savoirs.

Nous signons ce mot à deux, mais le Festival ne peut se réaliser sans plusieurs centaines de mains et de cœurs affairés. L’équipe élargie du FTA, lumineuse et exigeante, ne lâche rien ! Nous saluons notre généreux conseil d’administration, nos donateur·rice·s et nos partenaires qui font une vraie différence, et le public, ensemble splendide et essentiel qui nous réunit toustes. Cette puissance du collectif, l’artiste uruguayenne Tamara Cubas l’active en compagnie de 80 citoyen·ne·s qui prépareront ensemble une occupation artistique de la place des Festivals. Vive la multitude !  

Martine Dennewald et Jessie Mill
Codirectrices artistiques

 


 

© Hamza Abouelouafaa

Pour le monde à venir

Cette 18e édition du FTA, qui sera ma 12e et dernière en tant que directeur, s’annonce magnifique ! En parcourant les pages suivantes, vous découvrirez 20 spectacles qui éveilleront votre désir pour l’audace et l’incomparable.

Ce grand Festival, fondé en 1985, est une mise en œuvre vibrante de nos idéaux collectifs. Les artistes qui fouleront nos scènes portent des récits exceptionnels et des mondes nouveaux. C’est une chance inouïe que d’accueillir chaque printemps plus de 200 d’entre elleux à Montréal. En 2024, iels viendront notamment d’Uruguay, du Liban, de France, d’Australie, des États-Unis, du Portugal, de Côte d’Ivoire, d’Angleterre et de Colombie.

Le monde d’avant touche à sa fin. Le monde à venir est encore à imaginer, à édifier à partir des liens que nous forgeons. Au sein du secteur culturel, avec les milieux communautaires, scolaires, d’affaires et de l’environnement, nous sommes beaucoup à y travailler ardemment. Ici, au FTA, la danse et le théâtre embrassent tous les horizons pour mieux enrichir notre société. Nous connaissons, comme vous, le pouvoir indéniable de l’art pour nous permettre d’aborder la suite avec force et sensibilité.

Notre équipe s’investit pleinement pour préparer cette célébration avec un niveau d’engagement que je salue. Je tiens également à exprimer ma profonde gratitude à l’ensemble de nos partenaires, donatrices et donateurs, ainsi qu’aux bénévoles. Nous vous promettons une aventure hors du commun et espérons vous y voir en grand nombre.

David Lavoie
Directeur général


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