En territoire

Œuvrant au croisement des arts de la scène, du film et de la vidéo, la chorégraphe et réalisatrice Elle Sofe Sara explore des aspects de la physicalité et des pratiques des Sámi·e·s ayant échappé à l’effacement colonial. Ce peuple autochtone dont elle fait partie vit dans une région transnationale appelée Sápmi, qui s’étend à travers le centre de la Norvège et de la Suède, le nord de la Finlande et la péninsule de Kola en Russie. La chorégraphe vit sur ce territoire, à Guovdageaidnu en Norvège, dans la localité où elle a grandi dans une famille qui élevait des rennes. Elle y a d’ailleurs cofondé le collectif artistique sámi Dáiddadállu. Chaque année, Elle Sofe Sara participe à la migration saisonnière des rennes et, à l’automne avec ses enfants, au marquage des nouveau-nés.

Titulaire d’une maîtrise en chorégraphie de l’École nationale des arts d’Oslo (KHIO), Elle Sofe Sara a également étudié la danse au conservatoire Laban Trinity à Londres. Ses œuvres ont été maintes fois primées, notamment le court métrage Ribadit (2019), qui a remporté le prix Moon Jury au festival imagineNATIVE Film + Media Arts à Toronto.

Pour la pièce Vástádus eana, créée en 2021 et présentée en ouverture du FTA 2023, Sara a travaillé avec le compositeur, musicien et joikeur sámi Frode Fjellheim, qui signe une partie des joiks du spectacle. Également professeur de musique à la Nord universitet, celui-ci s’est fait connaitre avec son groupe de musique Transjoik. Vástádus eana a reçu le Prix de la critique 2020-2022 en Norvège où Elle Sofe Sara est reconnue comme l’une des artistes de danse les plus marquantes de sa génération. Sa pièce est accueillie dans les plus prestigieux théâtres et festivals européens. Montréal est sa première escale en Amérique du Nord.

Les projets actuels et futurs de Sara comprennent la création d’une pièce pour la compagnie de danse norvégienne Carte Blanche (en 2023) et la réalisation du premier long métrage musical dans l’une des langues sames (en 2025). Intitulé Árru, ce film ancré dans la tradition vocale du joik, porte sur l’impact socioécologique d’une mine de cuivre à proximité de Guovdageaidnu.

D’ascendance groenlandaise, Laakkuluk Williamson Bathory naît à Saskatoon et vit à Iqaluit depuis 2005. La nécessité de faire exister les récits fondateurs de sa culture sur les ravages du colonialisme est indissociable de sa pratique artistique qui se diversifie et se transforme continuellement depuis une trentaine d’années. Membre fondatrice et directrice artistique de Qaggiavuut jusqu’en 2021, un organisme qui promeut la conservation, le développement et la transmission des arts inuits, Williamson Bathory est également commissaire, artiste visuelle, actrice, metteuse en scène et poète. Dans l’installation Nannuppugut! (2021), qui lui a valu le prestigieux Prix Sobey pour les arts, elle expose la peau d’une ourse polaire qu’elle a abattue pour défendre sa famille dont elle honore l’âme en y projetant une vidéo où elle exécute une danse au tambour, en prise directe avec la matérialité et la vie spirituelle de la chair, humaine comme animale. Elle accorde une place centrale à la conversation, notamment avec les aînés dont les histoires sont l’objet d’amour et de révérence dans Kiviuq Returns (2017-2019).

Sa mère, Karla Jessen Williamson, ardente défenseure de l’uaajeerneq, une danse du masque groenlandaise, lui a transmis cet art dont la charge politique deviendra l’un des fondements de sa pratique. L’uaajeerneq active la troublante triade de la peur, de la sexualité et de l’humour, afin d’inciter l’exploration, chez la danseuse et son public, du soi et de l’humanité. Les créations de Williamson Bathory dans diverses disciplines ont maintes fois été récompensées. Militante, elle œuvre également à l’affirmation et à la reconnaissance des arts inuits.

Son travail explore le colonialisme d’occupation et l’infrastructure dans le monde circumpolaire ainsi que les questions environnementales contemporaines touchant les différents états de la glace.

Rafico Ruiz a conçu et dirigé divers programmes de bourses de recherche au CCA, y compris le programme financé par la Fondation Mellon, Le numérique aujourd’hui : architecture et intersectionnalité (2020-2022) et le cycle thématique de trois ans intitulé Dans la postcolonie, organisé pour les étudiants à la maîtrise (2020-2022); il a aussi créé le programme de bourse de design mené par des personnes issues de communautés autochtones (2022-2024) et le programme de bourses de recherche CCA-WRI (2022-2024).

Rafico Ruix a également co-organisé ᐊᖏᕐᕋᒧᑦ / Ruovttu Guvlui / Vers chez soi (2022), le premier projet d’exposition et de publication du CCA dirigé en grande partie par des commissaires autochtones. Ce projet avait pour objet une architecture axée sur le territoire, définie par et pour les peuples Inuits et Sàmis. Mentionnons enfin que Rafico Ruiz est l’auteur de Slow Disturbance: Infrastructural Mediation on the Settler Colonial Resource Frontier (Duke University Press, 2021) et le corédacteur de Saturation: An Elemental Politics (Duke University Press, 2021).