Soyez Prophétiques

Dès ses débuts de chorégraphe, Nadia Beugré marque les esprits par l’affirmation de sa posture, de son franc-parler, de sa poésie généreuse et de sa vitalité frontale. La rencontre de Béatrice Kombé (Côte d’Ivoire), avec qui elle crée la compagnie Tchétché, fonde sa trajectoire. Après la disparition de sa mentore, Nadia fréquente l’École des Sables au Sénégal, puis part en France poursuivre sa formation à Montpellier et démarre sa carrière de danseuse — elle a collaboré notamment avec Alain Buffard, Seydou Boro, Dorothée Munyaneza, Boris Charmatz et, plus récemment, Robyn Orlin — et de chorégraphe. Depuis son passage retentissant au FTA 2022 avec L’homme rare, elle s’investit de plus en plus à Abidjan, sa ville natale, où elle a non seulement créé ses deux dernières pièces Filles-Pétroles et Prophétique (on est déjà né·es), mais où elle a aussi lancé la formation Entr’Ailes, dédiées aux femmes artistes, productrices et techniciennes.

Considérée dans son pays comme une rebelle, Nadia Beugré répète à raison qu’être femme, artiste et lesbienne dans cette société demande de travailler triplement. Elle ne provoque pas, elle informe en auscultant les rapports de pouvoir et de domination. L’énergie de son engagement, elle la puise notamment dans la lutte historique et le courage des femmes ivoiriennes. Chacune de ses pièces, tout autant sensuelle que politique, agit comme un joyeux réveil de la conscience. De Quartiers libres à Prophétique (on est déjà né·es), Nadia Beugré ne cesse de se dresser contre l’hypocrisie ambiante, s’interroge sur l’esclavagisme contemporain et propose comme alternative un souffle de liberté et d’espoir.

Après une formation en théâtre et en danse acquise entre le Brésil, le Portugal et la France, elle développe ses propres créations dans lesquelles elle pratique la « gambiarra » brésilienne, une intelligence pratique nécessaire pour résoudre un problème du quotidien avec les moyens du bord, à la recherche d’images de la démocratie par et pour les corps queers. Son univers juxtapose vulnérabilité et confusion, rêve et cauchemar, délicatesse et obscénité.