Parler mal, ode à la pluralité linguistique
Au chaud, un thé à la main par jour de grand froid, j’en profite pour rattraper certaines lectures et écoutes. Je plonge dans Parler mal, un balado créé par les artistes originaires du Sud-Est du Nouveau-Brunswick Gabriel Robichaud et Bianca Richard. En cinq épisodes captivants de 10 à 15 minutes, le duo part à la rencontre de différents intervenant·e·s, comme la sociolinguiste Annette Boudreau, l’ancienne ministre fédérale Claudette Bradshaw ou l’artiste acadien de la Nouvelle-Écosse Éric Dow, pour démystifier le phénomène de l’insécurité linguistique.
Cette production de Radio-Canada Acadie s’inscrit en continuité de la docu-fiction théâtrale Parler mal, dont la première version a été présentée au Jamais Lu en août 2021 dans une mise en lecture d’Alix Dufresne. À travers ce projet d’écriture, qui bénéficie du soutien des Respirations du FTA, Gabriel Robichaud et Bianca Richard s’intéressent à la stigmatisation des accents et à la discrimination linguistique intériorisée qu’il et elle expérimentent au quotidien en tant qu’Acadien·ne·s. Le duo cherche à comprendre comment se développe l’insécurité liée à la langue et s’il est possible de s’en débarrasser.
« À force de se faire dire qu’on parlait mal, on finissait par le croire. [Mais] qu’est-ce que ça veut dire « parler laid »? »
–Gabriel Robichaud
L’insécurité linguistique se définit comme une peur profonde de commettre des fautes à l’oral et de ne pas paraître légitime dans sa propre langue. Elle engendre une hyper vigilance face aux différentes manières de s’exprimer. En réaction à la discrimination, elle entraîne parfois une absence de prise de parole, une autocorrection exagérée ou même une accentuation défensive des expressions régionales. Ce phénomène n’est pas exclusif aux Acadien·ne·s ; il se vit dans toutes les langues, du moment qu’une forme linguistique s’impose au détriment d’une autre. Au Québec, par exemple, certains accents se butent encore à la norme franco-française.
Dans leur balado, Gabriel Robichaud et Bianca Richard formulent certaines pistes de solution pour combattre l’insécurité linguistique, pistes qui seront approfondies dans leur création théâtrale à venir. L’apprentissage de l’histoire de la langue française en Acadie permet par exemple de reconnaître l’existence d’une grande variété de langues françaises à travers le temps. Le duo évoque également l’importance de faire preuve d’une certaine flexibilité linguistique et d’adapter son langage en fonction du registre, du contexte et des codes sociaux pour gagner en confiance. Sans oublier le rôle que jouent les arts dans la valorisation des accents !
En plus d’une Respiration, les deux artistes bénéficient d’un soutien considérable d’ArtsNB et du Conseil des arts du Canada pour ce projet d’écriture dramatique, qui a notamment remporté le Prix national d’excellence RBC de la Fondation pour l’avancement du théâtre francophone au Canada. Cet hiver, le duo procédera à des entretiens pour nourrir sa démarche au-delà de l’Acadie et préparer une nouvelle version en vue d’un laboratoire de création à l’été.
Originaire de Moncton (NB), Gabriel Robichaud est comédien, poète, auteur dramatique et chanteur. Son texte Crow Bar a récemment été produit par le Théâtre de l’Escaouette et publié dans la collection théâtre des Éditions Perce-Neige, qu’il dirige d’ailleurs.
Originaire de Notre-Dame de Kent (NB), Bianca Richard est comédienne, marionnettiste, dramaturge et scénariste. Depuis la fin de ses études en 2013, elle navigue entre le jeu, la création théâtrale, l’enseignement et les tournages. Elle entame l’année 2021 avec un nouveau rôle dans l’émission jeunesse de Radio-Canada Oniva !