Affluence radieuse au FTA
Montréal, lundi 20 juin 2022 – Du 25 mai au 9 juin dernier, la rencontre tant espérée entre le public et les artistes a eu lieu. Une vibrante célébration des arts vivants s’est emparée de Montréal à l’occasion de la 16e édition du Festival TransAmériques, marquée par le retour d’une programmation internationale d’envergure. Pendant 16 jours, 24 spectacles de danse et de théâtre ont rassemblé un public curieux et attentif en salle et dans l’espace public, du marché Maisonneuve au Quai de l’Horloge en passant par la Petite Italie. Plus de 39 000 festivalier·ère·s enthousiastes ont fréquenté le Festival. Un public diversifié et multigénérationnel a rempli les salles, portant le taux d’assistance global à 93 %.
Les mains entrelacées, motif de la campagne visuelle de l’édition, n’auraient pu mieux évoquer cette invitation à la rencontre, un appel à renouer avec les scènes du monde. Les codirectrices artistiques, Martine Dennewald et Jessie Mill, ainsi que le directeur général du Festival David Lavoie ont réaffirmé l’importance de la mobilité des artistes, accueillant plus de 200 créatrices et créateurs venus de 18 pays, avec une présence importante de spectacles du continent africain et du Brésil.
Festival de création fermement ancré dans sa communauté artistique, le FTA a présenté en primeur les nouvelles œuvres d’artistes québécois·e·s et canadien·ne·s. La partition hypnotique et virtuose Les jolies choses de Catherine Gaudet a été accueillie avec un enthousiasme effréné. L’essai politique de Pierre Lefebvre, Le virus et la proie, s’est incarné avec force sous la direction de Benoit Vermeulen. L’humour ingénieux et décalé d’Alix Dufresne et Étienne Lepage a créé la surprise avec Malaise dans la civilisation. L’originalité éclatante d’Ellen Furey et Malik Nashad Sharpe a animé la légende fantaisiste de High Bed Lower Castle. L’alchimie savante des danseurs Lukas Malkowski et Naishi Wang a ému le public de Face to Face, pièce signée par ce dernier.
Le FTA 2022 en chiffres
103 représentations de 24 spectacles, en provenance de 14 pays (Belgique, Brésil, Burkina Faso, Canada, Corée, Côte d’Ivoire, États-Unis, France, Grèce, Italie, Nigéria, République du Congo, Royaume-Uni, Sénégal)
213 artistes en provenance de 18 pays
12 coproductions, dont 2 coproductions internationales (Elenit, La plus secrète mémoire des hommes)
8 créations 2022, dont 7 premières mondiales
9 premières nord-américaines
75 activités des Terrains de jeu (rencontres avec les artistes, ateliers, Cliniques dramaturgiques)
24 établissements scolaires accueillis, rassemblant près de 600 étudiant·e·s
191 diffuseurs et programmateur·rice·s en provenance de 33 pays
141 journalistes couvrant le Festival dont 60 accrédité·e·s
Ardente jeunesse
Fidèle à sa mission d’accessibilité et de transmission, le FTA a renoué avec l’accueil de groupes de jeunes spectateur·rice·s. Eka shakuelem, un séjour d’immersion pour les jeunes autochtones dans les métiers des arts vivants et dans la création, a mobilisé 7 participant·e·s de Mashteuiatsh, Wemotaci, Senneterre, Lac-Simon et Wendake. Les étudiant·e·s de 4 cours universitaires de Moncton, Ottawa et Montréal ont parcouru et analysé le FTA. Les Rencontres internationales et Conversations on Performance ont accueilli 34 créateur·rice·s et critiques du Québec, du Canada, d’Haïti, de la Côte d’Ivoire, du Mexique, de France, de Belgique et de l’Allemagne. Une trentaine de jeunes dirigeant·e·s de festivals du monde entier se sont rassemblé·e·s durant 7 jours pour l’Atelier Montréal de Festival Academy en compagnie de mentors d’expérience afin d’échanger sur le rôle que les festivals, l’art et la culture peuvent jouer dans le monde actuel. Le FTA est fier d’avoir accueilli cette première édition nord-américaine de Festival Academy, participant ainsi à activer la réflexion sur les festivals de l’avenir.
L’enchantement des places publiques
En tout début de Festival, la fascinante installation aquatique Holoscenes, posée sur l’esplanade Tranquille, a subjugué plus de 18 000 personnes. L’œuvre monumentale, ambitieuse et poétique de Lars Jan a nourri la réflexion sur les bouleversements climatiques au moyen d’images prégnantes. L’eau et ses vies ont d’ailleurs traversé plusieurs spectacles de la programmation. Quelques jours plus tard, sur le bord du Saint-Laurent, la compagnie gaspésienne Théâtre À tour de rôle a donné corps à 150 ans de débats sur les mammifères marins à la Chambre des communes du Canada dans La conquête du béluga, de l’artiste multidisciplinaire Maryse Goudreau, qui signait aussi l’installation immersive Dans le ventre de la baleine.
Avec Save the last dance for me d’Alessandro Sciarroni, le FTA a investi le marché Maisonneuve, la Cité-des-Hospitalières et la Casa d’Italia, œuvrant à la transmission d’une danse italienne en voie de disparition. Grâce aux ateliers qui accompagnaient ce spectacle, 80 Montréalais·e·s se sont initié·e·s à la polka chinata pour en perpétuer les pas et la mémoire.
Fière Afrique
« L’acte de création contemporain explore les traces de notre histoire ancienne, réactive ce que nous avons gardé d’un long chemin. À partir de là, s’ouvre un foyer ardent. »
— Felwine Sarr, lors de l’entretien donné au QG du FTA.
Donnant résolument le ton à cette édition, le FTA s’est ouvert pour la première fois de son histoire avec un grand spectacle africain. À la fois urbain et mythique, Re:Incarnation a enflammé les spectateur·rice·s, inaugurant une série de représentations signées par des figures majeures des scènes du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Congo-Brazzaville, du Nigéria et du Sénégal. Faisant de la lecture un acte théâtral vibrant, Odile Sankara et Aristide Tarnagda ont visité le roman La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr. Étienne Minoungou a livré une ode magistrale aux devenirs de l’Afrique dans Traces – Discours aux Nations Africaines du grand penseur sénégalais Felwine Sarr. Invité aux Terrains de jeu du FTA, celui-ci s’est entretenu avec l’écrivaine haïtienne Stéphane Martelly dans une conversation de sagesse et d’espoir. En clôture du Festival, 9 interprètes afrodescendant·e·s ont fougueusement porté M’appelle Mohamed Ali, élevant la pièce de Dieudonné Niangouna au rang de manifeste artistique du Théâtre de La Sentinelle, moment qui fera date dans l’histoire théâtrale du Québec.
Libérer les histoires
Dans Altamira 2042, la brésilienne Gabriela Carneiro da Cunha a orchestré une puissante révolte collective à travers la destruction symbolique du barrage de Belo Monte, sommant le public du FTA à remettre en question son inaction face à la disparition imminente de la forêt amazonienne à laquelle prennent part des compagnies canadiennes. Le Coréen Jaha Koo et son cuiseur à riz ont retrouvé le fil d’un héritage perdu dans The History of Korean Western Theatre. Se révélant une interprète grandiose, Angélique Willkie a livré une vertigineuse Confession publique guidée par la chorégraphe Mélanie Demers. La galerie VOX, centre de l’image contemporaine a accueilli un laboratoire de création mené par les artistes inuits Laakkuluk Williamson Bathory et Vinnie Karetak, donnant naissance au précieux récit de Qaumma. Dans Them Voices, Lara Kramer a laissé grandes ouvertes les portes du théâtre, faisant entrer les bruits de la rue dans son entreprise vibrante d’archéologie des mémoires.
La pièce L’homme rare de la chorégraphe ivoirienne Nadia Beugré s’est jouée des regards coloniaux et des poncifs de la masculinité. Dans Lavagem, la brésilienne Alice Ripoll a déployé de délicats jeux d’eau où la poésie des corps s’élève au-dessus des assignations identitaires. Andrew Tay et Stephen Thompson ont mis en scène le défilé performatif de Make Banana Cry qui, provoquant le rire jaune escompté, a semé le trouble et l’émoi parmi le public.
Entre l’imaginaire souverain et l’obsession du réel
Le FTA n’aurait pu rêver de plus vibrants carnets sur l’art et la vie que ceux composés par les sept artistes rassemblé·e·s par le groupe PME-ART dans Adventures can be found anywhere, même dans la répétition. Au cœur de la galerie Leonard & Bina Ellen, iels se sont attelé·e·s pendant 8 jours à la réécriture du journal de jeunesse de Susan Sontag, inventant une pratique de la littérature hospitalière et performative.
On retiendra enfin l’exubérance d’Euripides Laskaridis dans sa grande fable burlesque Elenit, où triomphe l’imaginaire. En clôture, la malice et la rigueur des interprètes de Laboratoire poison sont apparues comme une leçon d’histoire… et de théâtre. Échauffant les esprits, le Festival a donné vie au débat.
Terrains de jeu
Avec son plafond de fleurs suspendues, le Quartier général a renoué avec l’accueil des festivalier·ère·s, jour et nuit. Deux journées thématiques ont porté sur l’eau et sur la création et les langues autochtones. Les Cliniques dramaturgiques ont accueilli 6 dramaturges du Brésil, de la Belgique, de la Colombie, de Cuba, d’Haïti et de l’Italie qui ont offert 23 consultations privées aux artistes d’ici. Une passionnante discussion sur la création en Amérique latine a permis d’identifier les défis propres à la circulation des artistes et des œuvres. L’ensemble des activités des Terrains de jeu a été fréquenté par près de 3 000 personnes.
Cette 16e édition, première sous la vision artistique de Martine Dennewald et Jessie Mill, porte les germes des festivals à venir. Déplier des horizons nombreux. Se rendre curieuses et curieux au monde. Convoquer de nouveaux imaginaires. Soigner nos relations. Retrouver le sens de la fête. Rendez-vous du 24 mai au 8 juin 2023 pour la 17e édition du Festival TransAmériques !