Un festival qui nous transforme

Montréal, jeudi 15 juin 2023 – Pendant 16 jours d’effervescence créatrice, 24 spectacles de danse et de théâtre ont rallié plus de 250 artistes de 21 pays et un public curieux et fervent dans 18 lieux à travers la ville. Cette 17e édition du Festival TransAmériques qui s’est tenue du 24 mai au 8 juin 2023 a ressemblé près de 36 000 festivalier·ère·s, avec une augmentation de 6 % du nombre de spectateur en salle par rapport à 2022 ainsi qu’un taux de fréquentation des salles à 92 %. 49 représentations ont affiché complet, signe de l’engouement des Montréalaises et Montréalais pour les œuvres audacieuses. Jour après jour, des rencontres exceptionnelles entre artistes et spectateur·rice·s dans les salles et dans l’espace public ont donné corps à un espace de partage transformateur.

Cette deuxième édition signée par les codirectrices artistiques Martine Dennewald et Jessie Mill confirme l’entrée dans une nouvelle ère pour le FTA, marquée par une présence forte des artistes de l’hémisphère sud, la célébration des expressions de Premiers peuples, et une passion pour les nouvelles voix et les récits qui travaillent à rendre compte de la complexité du monde. Le FTA demeure fidèle à sa mission d’éclaireur en présentant une diversité de formes et d’expériences inédites, déterminé à élargir les définitions du théâtre et de la danse et à accueillir les œuvres transdisciplinaires, indissociables de l’évolution des scènes du monde.  

« Chaque édition est une proposition à mettre à l’épreuve du réel et de la sensibilité des publics. Véritable entité pensante, le Festival nous surprend et nous dépasse. Les artistes se sont trouvé·e·s entre elles et entre eux, faisant apparaître d’autres réseaux de sens et des affinités insoupçonnées entre leurs pratiques. Nous observons, nous écoutons et nous repartons la tête et les mains pleines de questions à activer pour la suite. »

Martine Dennewald, Jessie Mill, codirectrices artistiques, et David Lavoie, directeur général

 

Le FTA en chiffres

+ 80 représentations de 24 spectacles en provenance de 13 pays (Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Écosse, États-Unis, France, Irlande du Nord, Maroc, Norvège, Zimbabwe)
+ 264 artistes en provenance de 21 pays
+ 5 coproductions FTA (Cispersonnages en quête d’auteurice, Lay Hold to the Softest Throat, Mike, The Beach and Other Stories, Qaumma)
+ 7 créations 2023
+ 9 premières nord-américaines
+ 61 activités des Terrains de jeu touchant près de 6000 personnes
+ 180 diffuseurs et programmateurs en provenance de 28 pays
+ 191 journalistes couvrant le Festival dont 74 accrédité·e·s
+ 2175 nuitées générées directement par les activités du Festival

 

Les murs des théâtres ne nous contiennent plus

Dès le spectacle d’ouverture, signée par la chorégraphe sámie Elle Sofe Sara, les festivalier·ère·s ont fait l’expérience inaugurale d’un rassemblement dans l’espace public avant d’entamer ensemble la marche vers le théâtre. Vástádus eana – La réponse est le territoire tenait lieu de manifeste à cette édition du FTA. Quelques jours plus tard, l’Argentin Tiziano Cruz donnait le coup d’envoi à la parade de Soliloquio, composée de groupes de musique et de danse issus des communautés andines locales, venus chanter la mémoire collective de ces vibrantes diasporas. De la rue au théâtre, ce FTA a mêlé la solennité et l’urgence des rassemblements politiques, le chaos grisant des grands jours de fête et la convivialité communautaire.

Une foule attentive s’est massée trois soirs au crépuscule qui tombait sur Creation Destruction de Dana Gingras, refuge poétique installé au cœur du Quartier des spectacles. La danse hypnotisante des onze interprètes, la musique enveloppante d’une douzaine de musicien·ne·s et les images stellaires de United Visual Artists se sont déployées sur l’esplanade Tranquille. Sur la même place, une soirée spéciale de films de danse orchestrée en collaboration avec Regards hybrides aura permis de prolonger la luminosité des corps dansants à la belle étoile.     

Spectacles décoloniaux et hospitaliers

La rencontre entre les artistes et le public a connu des points culminants, comme pendant les cinq heures de Nehanda, puissante épopée zimbabwéenne signée par nora chipaumire, qui a réuni vingt artistes et des spectateur·rice·s entouré·e·s par les danses et les chants qui ont fait trembler tout l’édifice du théâtre. Remuant avec force le récit de la dépossession de leur culture et de leur terre, les artistes Inuuk Laakkuluk Williamson Bathory et Vinnie Karetak ont souhaité clore Qaumma par l’invitation du public à rejoindre la danse finale, autour de l’iceberg, morceau symbolique du territoire. C’est également dans cette porosité qu’Emilie Monnet et Waira Nina Jacanamijoy ont partagé les prémisses d’une œuvre à venir, Nigamon/Tunai, délicate immersion dans une forêt parlante. Acteur et conteur hors pair, Cliff Cardinal a substitué une part de ses préoccupations artistiques et politiques au verbe du maître dans William Shakespeare’s As You Like It, A Radical Retelling By Cliff Cardinal, révélant un numéro de bravoure théâtrale.

Et si la norme n’existait pas ?

Dans The Making of Pinocchio, Rosana Cade et Ivor MacAskill ont mis en scène le chantier de la construction de soi, offrant une réflexion poignante sur la transidentité et l’hégémonie des genres. Promptes à faire valser toutes conceptions de la normalité, la compagnie locale Joe Jack et John et la mythique troupe australienne Back to Back Theatre se sont rencontrées en marge de leurs spectacles, célébrant ces pratiques inclusives qui revitalisent la forme théâtrale depuis les différences. Portées entre autres par des interprètes neuroatypiques, The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes et Cispersonnages en quête d’auteurice ont partagé un humour mordant attaché à de brûlants enjeux éthiques. 

Brandir les potentialités du théâtre

Connu du public montréalais, le travail de Gisèle Vienne a une fois de plus ravi et déconcerté. L’étrangeté palpable de L’étang semblait vivifiée par le jeu libre et ultra précis des deux éblouissantes actrices, Henrietta Wallberg et Adèle Haenel. Dans une rencontre très suivie au QG du FTA, cette dernière a appelé de ses vœux une approche du jeu théâtral exempte du pouvoir patriarcal, espace de créativité et d’émancipation dont le public a pu goûter la force. Avec son impressionnant diptyque, L’Eau du bain a offert deux opus distincts dans le même éblouissant dispositif de son et de lumière. Là où White Out travaillait la perte de repère à la faveur d’une expérience exacerbée des sens, La chambre des enfants, merveille d’enchantement, remettait la scène et la salle entre les mains d’une jeunesse fourmillante de rêves. Enfin, la partition impitoyable et ciselée de Tableau final de l’amour, signée par Larry Tremblay, s’est incarnée dans la chair et le sang, révélant une solide mise en scène d’Angela Konrad. 

Choisir où et comment se révéler

Pendant trois heures, Dana Michel et son alter ego comique ont activé le vaste terrain de jeu de MIKE où les festivalier·ère·s ont pu évoluer à leur guise. L’étonnant marécage de Lay Hold to the Softest Throat, multidisciplinaire et multisensoriel, a permis à Ellen Furey et ses collaborateur·rice·s de faire entendre les voix profondes qui souvent se dérobent au corps. Performeuse d’exception, Wanjiru Kamuyu a déployé un effort immodéré pour convoquer la parole de deux jeunes filles noires dans Bronx Gothic, pièce majeure de l’avant-garde états-unienne créée par Okwui Okpokwasili.       

Façonner le legs

Malicho Vaca Valenzuela, aux commandes de Reminiscencia, a sillonné la mémoire de son ordinateur comme les rues de Santiago de Chile, pour rendre un hommage poétique et puissant à ses grands-parents. S’adressant à un public du futur dans i/O, Dominique Leclerc a posé délicatement les bases d’une réflexion sur le prolongement de la vie, alimentée par la perte de son père. Accompagnée par son fils en vidéo, Sarah Vanhee a donné corps aux vies négligées de ses deux grands-mères dans Mémé, manière de se relier à de rudes destins et d’en éclairer les victoires.          

No body is one body / Aucun corps n’est un seul corps

Ce titre agit comme véritable mantra de la pièce In My Body, de Crazy Smooth, qui a converti le public habituellement silencieux du Festival à un échange tonitruant d’enthousiasme et d’énergie entre la salle et la scène. Cette communion vibrante à l’image de la communauté des street dance s’est reflétée dans une émouvante discussion intergénérationnelle animée par le chorégraphe et sa collègue Alexandra « Spicey » Landé en marge du spectacle.    

Avec Libya du chorégraphe amazigh Radouan Mriziga, les interprètes ont fécondé les mémoires corporelles par leurs imaginaires, inventant un matrimoine dansé, acrobatique et sophistiqué. Dans The Beach And Other Stories, Maria Kefirova, à la manière d’une antenne, a syntonisé les réalités et les présences contenues dans une archive photographique. La finale époustouflante de Navy Blue de Oona Doherty, dansée dans chaque ville par un·e interprète différent·e, a soulevé le public venu assister à ce grand ballet du présent, antidote collectif contre l’indifférence. Enfin, les danseuses et danseurs de Encantado de Lia Rodrigues, venu·e·s de Rio de Janeiro, ont mené les spectateur·rice·s de la grâce au chaos jusqu’à l’émerveillement, venant clore le Festival dans un jaillissement de joie, de lumière, d’espoir.

Les Terrains de jeu les plus fréquentés de l’histoire du FTA

Dépassant toute attente de fréquentation, l’ensemble des 61 activités composant la programmation des Terrains de jeu – discussions, conférences, ateliers, échauffements avec les artistes, fêtes, etc. – a accueilli près de 6000 personnes. Les grandes rencontres avec Lia Rodrigues, Gisèle Vienne ou Adèle Haenel ont fait salle comble, de même que L’amour décolonial, conversation animée par Véronik Picard. Mention spéciale à l’activité La direction technique en création qui a rassemblé une cinquantaine de participant·e·s des métiers techniques, essentiels à la tenue d’un festival et souvent relégués dans l’ombre. Les nuits du QG ont attiré le public, les communautés artistiques et une fabuleuse jeunesse venue danser aux sons des DJ Rythm & Hues, Empress Cissy Low, Tupi Collective, Shash’U, etc.

Fidèle à sa mission d’accessibilité et de transmission, le FTA a renoué avec l’accueil de groupes de jeunes spectateur·rice·s. Eka shakuelem, séjour d’immersion dans la création et les métiers des arts vivants pour les jeunes autochtones, a mobilisé 8 participant·e·s de Pessamit, Wendake et de Tio’tià:ke. Les étudiant·e·s du lycée français de Bogotá et de l’Université Concordia ont parcouru et analysé le FTA. Les Rencontres internationales et Conversations on Performance ont accueilli 42 créateur·rice·s et critiques du Québec, du Canada, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Maroc, de l’Argentine, du Mexique, de l’Allemagne, de Belgique, de l’Espagne, de l’Écosse, de France, de l’Italie, des Pays-Bas, et du Japon.

À nos forêts

Cette 17e édition s’est ouverte dans la rumeur des feux de l’Alberta et s’est refermée alors que les brasiers se multipliaient d’un bout à l’autre du pays. Le FTA ne fait pas abstraction du désastre écologique. La Journée d’écologie décoloniale, inaugurée par l’artiste et militante Katsi’tsakwas Ellen Gabriel, a mobilisé plusieurs générations autour de perspectives écologiques, faisait écho aux préoccupations de l’équipe du Festival dans la droite ligne de sa politique écoresponsable.

En réaffirmant l’importance de la mobilité des artistes, et notamment des artistes venant des pays du Sud plus durement touchés par le désastre climatique, le FTA défend la conviction qu’un festival international peut et doit prendre part aux luttes pour plus de justice, indissociables des préoccupations environnementales au cœur de nos pratiques. Le FTA est certifié niveau 3 de la Norme BNQ – Événement écoresponsable.

Rendez-vous du 22 mai au 5 juin 2024 pour la 18e édition du Festival TransAmériques !

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