Tresser les solidarités

Montréal, jeudi 13 juin 2024 – Pendant 15 jours d’effervescence et d’exaltation, 20 spectacles de danse et de théâtre ont rallié plus de 226 artistes en provenance de 15 pays et un public enthousiaste et fervent dans 17 lieux à travers la ville. La 18e édition du Festival TransAmériques, qui s’est déroulée du 22 mai au 5 juin 2024, a attiré près de 36 000 festivalier·ère·s avec un taux de remplissage des salles atteignant 94 %. 43 représentations ont fait salle comble et plus de 12 000 personnes ont pris part aux spectacles gratuits dans l’espace public.

Cette édition exceptionnelle, la troisième signée par Martine Dennewald et Jessie Mill, a été marquée par l’adhésion enthousiaste du public, et soutenue par une couverture médiatique importante, autant nationale qu’internationale. 

« Il faut saluer l’audace et la qualité de l’ensemble de la programmation du Festival TransAmériques qui, cette année, brille autant par sa cohérence que par la portée des productions présentées. »

Hadrien Volle, Scène Web (France), 30-05-2024


Les artistes ont proposé de précieux espaces où surgissent des langues poétiques puissantes, des univers qui s’ouvrent au monde des sens au-delà du visible et dialoguent avec le plus-qu’humain – les ancêtres, les arbres, les fleurs, le paysage ou la technologie. Plusieurs spectacles ont créé une caisse de résonance aux multiples agitations du présent, faisant apparaître dans tout leur éclat des voix et des corps longtemps marginalisés. Des oeuvres-choc ont fait le pari de secouer l’apathie collective par leurs images, leurs récits, leurs musiques, enjoignant le public à embrasser pleinement des enjeux coloniaux, environnementaux et des questions de justice. En ouverture, le libanais Ali Chahrour a offert avec
Du temps où ma mère racontait une oeuvre de deuil, d’amour et de guérison, écho fortuit et bouleversant à la dévastation de la Palestine.

Le FTA en chiffres

+ 71 représentations de 20 spectacles en provenance de 9 pays (Australie, Canada, Colombie, États-Unis, France, Liban, Portugal, Royaume-Uni et Uruguay)
+ 226 artistes en provenance de 15 pays
+ 10 créations 2024 dont 9 coproductions FTA (Gorgeous Tongue, Floreus, UNARMOURED, ODE, Survival Technologies, The Cloud, Au coeur de la rose, Nigamon/Tunai, Sur tes traces)
+ 6 premières mondiales
+ 48 activités des Terrains de jeu touchant près de 7 000 personnes (une hausse de 14 % par rapport à 2023)
+ 195 professionnel·le·s de la diffusion en provenance de 34 pays
+ 202 journalistes couvrant le Festival dont 67 accrédité·e·s
+ 1553 nuitées générées directement par les activités du Festival
+ 24 établissements scolaires présents au Festival, avec plus de 700 étudiant·e·s

 

Flamboyantes alliances

Au début du Festival, une centaine de Montréalais·e·s a pris part à Multitud de l’Uruguayenne Tamara Cubas. Ces amoureux·euses de la danse et du mouvement – pour la plupart non professionnel·le·s – ont appris à bouger ensemble, à négocier les règles du jeu et du vivre ensemble, et à se faire confiance. À la tombée du jour, trois soirs durant, cette horde a déferlé sur la place des Festivals dans le Quartier des spectacles pour composer une série de puissants tableaux visuels, microcosmes scrutant l’humanité et ses pulsions. Ce grand spectacle extérieur gratuit du FTA 2024 a attiré plus de 7 000 spectateur·rice·s.

Né d’une amitié transnationale entre Émilie Monnet et Waira Nina, Nigamon/ Tunai a mis en évidence des liens entre la transition énergétique au Nord et la destruction des territoires au Sud, dans une splendide forêt de voix et de chants confectionnée entre la Colombie et le Québec. Orchestré autour des arbres en péril et d’une montagne mouvante, Being Future Being : Inside/ Outwards d’Emily Johnson a cherché à cultiver les relations entre les êtres. La Journée d’écologie décoloniale de cette édition s’est élaborée autour de la forêt, lieu essentiel à l’épanouissement des vivant·e·s, des cultures, des imaginaires et de la résistance.

Le théâtre à bras-le-corps

Deux grands spectacles venus d’Europe ont profondément secoué les festivalier·ère·s. Devant la fable philosophico-politique Catarina et la beauté de tuer des fascistes de Tiago Rodrigues, le public a réagi bruyamment, brisant le 4e mur à chaque représentation. Les spectateur·rice·s ont offert un accueil dithyrambique aux performeuses afrodescendantes qui ont dynamité les clichés dans Carte noire nommée désir de Rébecca Chaillon. Deux bijoux d’écriture québécoise ont donné forme à des récits d’émancipation éblouissants : Au coeur de la rose, avec la langue unique de Pierre Perrault adaptée par Jérémie Niel et portée par une exceptionnelle distribution, et Sur tes traces, fascinante lettre d’amour croisée entre Dany Boudreault et Gurshad Shaheman.

The Cloud, objet théâtral singulièrement drôle, signé par Atom Cianfarani, Alexis O’Hara et leur chien Brutus, abordait l’effondrement planétaire avec tendresse. Délirante expérience collective mêlant théâtre et jeu vidéo, asses.masses de Patrick Blenkarn et Milton Lim a permis au public de prendre les commandes des représentations, guidant à tour de rôle le destin d’une horde d’ânes révolutionnaires. L’aventure de sept heures, ponctuée de pauses gourmandes, proposait une nouvelle manière de faire théâtre.

Femmes incandescentes

De puissantes paroles féminines se sont élevées tout au long de l’événement. Dans Surveillée et punie, oeuvre chorale de guérison dirigée par Philippe Cyr, Safia Nolin a empoigné sa guitare pour répondre au fiel de ses détracteur·rice·s en musique, avec une dignité époustouflante. Révoltées contre leur destin, les divas de Prophétique (on est déjà né·e·s) menées par Nadia Beugré ont déjoué les assignations sur la scène du Monument-National, enflammant une salle émue. La riche cosmogonie personnelle d’Amrita Hepi, exposée dans Rinse, a magnétisé le public, stimulé par ses clins d’oeil nombreux à l’histoire de colonisation et de la danse. Lara Kramer et Jeanette Kotowich ont accompli, dans Gorgeous Tongue, un puissant geste de transmission à travers un langage artistique subtil et profond.

Recomposer son héritage

En construisant sa petite maison de bois dans les parcs ou sur une place publique, avec l’aide spontanée des visiteur·euse·s, Sonia Hughes a mené des discussions d’une grande délicatesse sur la notion du chez-soi et la question des origines, grâce à I am from Reykjavik. La famille choisie rassemblée par Elena Stoodley et Kamissa Ma Koïta dans Survival Technologies a cherché, dans la parole des ancien·ne·s et au son du tambour, la fréquence sur laquelle danser, follement et sans complexe, pour se déprendre des systèmes oppressifs.

Circulation et radiation des désirs

Dans l’écrin splendide de la Chapelle-des-Hospitalières en dialogue avec les oeuvres du plasticien Zachari Logan, Sébastien Provencher a imaginé Floreus, une déambulation entre le sacré et l’érotisme. UNARMOURED, sans doute l’oeuvre la plus intime et la plus envoûtante de Clara Furey, a laissé cours à la puissance érotique et céleste des corps, créant un véritable razde- marée sensoriel. Nouveau triomphe de la chorégraphe Catherine Gaudet, ODE a disséqué l’amour et les faux-semblants avec sa mécanique de précision, son humour et sa virtuosité. En clôture du Festival, Weathering, sculpture vivante toute en fluides et en peaux, a laissé une forte empreinte sur le public dans un magistral « cataclysme sensuel ».

Cohabiter pour répondre aux impératifs du présent

Cette 18e édition s’est ouverte dans un contexte inattendu alors que le Quartier général du Festival, situé à l’Agora du Coeur des sciences de l’UQAM était entouré du campement de l’Université populaire Al-Aqsa, établi par des étudiant·e·s en soutien à la Palestine. Une cohabitation harmonieuse s’est mise en place, à la faveur d’un dialogue constant entre le Festival, les manifestant·e·s et l’UQAM. Certaines activités de la programmation des Terrains de jeu, notamment le Cercle d’amour décolonial orchestré par Amel Zaazaa et Karla Étienne, ont réuni les occupant·e·s du campement et le public du FTA.

Catalyser les conversations

Épicentre des débats durant 15 jours, le Quartier général du Festival a accueilli près de 6 000 personnes. Après une cérémonie d’ouverture en présence du ministre de la Culture du Québec, plusieurs conversations cruciales pour l’avenir des arts vivants y ont pris place : le RQD a convié le milieu de la danse à une discussion avec Michèle Chawla, directrice et chef de la direction du Conseil des arts du Canada; une rencontre des communautés artistiques a également servi à aborder la suite de la Grande Mobilisation pour le milieu des arts.

Les activités des Terrains de jeu ont permis d’approfondir la programmation et d’ouvrir d’autres chemins de pensée. Deux grandes rencontres ont relié le FTA avec d’importants festivals francophones : Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, et Guy Régis Jr., directeur du Festival Quatre chemins à Port-au-Prince, ont témoigné des urgences et des aspirations qui les animent. Animée par Marilou Craft, une passionnante discussion a permis la réunion de Rébecca Chaillon et de l’autrice et réalisatrice Amandine Gay. Et le QG du Festival a vibré aux sons de 17 DJs, à l’intérieur et à l’extérieur des murs, renouvelant l’expérience de soirées performatives mémorables.

Cette année, le FTA a accueilli 195 professionnel·le·s de la diffusion venus du Québec, du Canada et majoritairement de l’étranger. Le pouvoir d’attraction du Festival se renforce, affirmant sa place incontournable dans l’écosystème. Il s’impose comme un espace essentiel de découverte, de réflexion et de rayonnement des oeuvres, ainsi que comme une plateforme majeure pour l’exportation de la création québécoise.

Rendez-vous du 21 mai au 5 juin 2025 pour la 19e édition du Festival TransAmériques !

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