29 septembre 2021

La joie des commencements

Le début d’un spectacle, c’est souvent exaltant, et périlleux. Les premières minutes qui saisissent ou dissipent l’attention. Une invitation, une provocation, l’odeur d’un monde. Nos débuts sont épicés de ce petit piment-là, du vertige des commencements.

L’édition à venir du FTA, notre première en tant que codirectrices, se construit dans le dialogue continu et vivifiant avec les artistes et leurs œuvres. Lorsque nous sommes à Tio’tia:ke/Montréal, nous multiplions les rencontres. Avec l’aide des collègues, nous avons installé une table ronde au centre de notre bureau – une technologie très ancienne ! Notre travail s’en inspire. Comment créer la circularité au sein des conversations, des alliances ? Comment prendre soin de nos relations dans un esprit de réciprocité ? Faire un festival, c’est aussi interroger notre rapport au monde, cultiver et soigner les liens, apprendre.

Il nous semble essentiel d’aller vers les artistes, sans attendre qu’iels nous sollicitent. Avec curiosité, désir et méthode ! Qui sont les artistes qui n’ont pas été présenté·e·s dans les dernières éditions du FTA ? Qui sont celleux que nos habitudes, les valeurs marchandes du secteur des arts ou les discriminations systémiques nous ont fait négliger ? Qui viendra nous déplacer, nous faire percevoir autrement une page du monde, perdre nos repères et penser à travers d’autres synapses ?

 

Voyager, encore

Nous avons repris la route, celle d’Odanak, de Joliette, d’Ottawa, de Toronto, de Portland, de Paris, Rome ou Essen. Faut-il voyager autant ? Oui ! Notre pratique du voyage s’applique à être respectueuse et modérée, mais elle sous-tend de grandes ambitions. La première, comme une évidence : faire un festival international. Accueillir à Montréal des œuvres d’ailleurs, du continent africain, du Brésil, des États-Unis, par exemple. Offrir d’autres interprétations du réel, complexes, risquées, bouleversantes. Entretenir des voies de circulation pour les œuvres, incluant de nouveaux réseaux, dont profiteront les artistes d’ici. Demeurer un carrefour rare et essentiel en Amérique pour les artistes de partout, et un bassin d’imaginaires pour toutes et tous.

Nos collègues des festivals d’ici interrogent aussi le territoire et la circulation des œuvres. De Marsoui ou Carleton en Gaspésie, jusqu’à Rouyn en Abitibi, en passant par nos ami·e·s de LA SERRE – arts vivants, installé·e·s depuis peu sur le boulevard Gouin, iels nous inspirent de nouvelles correspondances, des paysages familiers que le geste artistique réinvente, de plus nombreux voyages à proximité et des partages au bénéfice des publics plus nombreux.   

 

Visiteuses   

Martine est arrivée à Tio’tia:ke le printemps dernier. Jessie habite le même appartement du quartier Centre-Sud depuis plus de vingt ans. Pourtant, nous sommes toutes les deux en visite sur ce territoire autochtone ancestral. Mais qu’est-ce que cela veut dire de convier des festivalières et festivaliers sur une terre qui ne nous appartient pas ? Cette question pourrait nous embarrasser, mais au contraire, elle nous engage à trouver des réponses en actes, à reconnaître nos privilèges.

Autour de quoi allons-nous nous rassembler, au printemps prochain ? Comment notre soif d’émotions, de savoirs et d’hospitalité radicale viendra-t-elle répondre à notre soif de justice ? L’écrivaine Stéphane Martelly disait à peu près ceci : la liberté est une chose beaucoup plus belle et beaucoup plus profonde lorsqu’elle permet de créer des espaces qui soient réellement émancipateurs pour tous.

D’ailleurs, avec cette histoire de pandémie, d’autres sujets ont droit au chapitre. Avez-vous, comme nous, un peu plus d’attention pour le vivant, les montagnes, les arbres ? Si vous connaissez des traducteur·rice·s de l’immensité, leur travail nous intéresse !

 

Martine Dennewald et Jessie Mill


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