Quels territoires sont importants pour vous ?
Tous les territoires le sont. Selon la Dr Lydia Jennings, une spécialiste des sols que j’écoutais récemment dans un podcast, nous vivons avec la terre, et non au-dessus de celle-ci. Dans les villes où je marche, je pense constamment à ce que je pourrais faire pour avoir une meilleure relation avec le territoire. Ceci implique de connaître les peuples qui en font partie et de savoir s’il est mis en péril par les industries extractives dans le présent, le passé ou le futur.
Quels sont les besoins et les désirs de ce territoire ? Pour l’apprendre, il suffit parfois de demander à certaines personnes qui ont ce savoir et, d’autres fois, il faut un autre genre d’écoute. La manière dont je danse, c’est une tentative d’écouter la terre.
Vous parlez souvent de votre pratique artistique comme d’une danse qui répond au monde, que voulez-vous dire par là ?
On a tendance à croire que la performance se produit pendant ce moment précis où l’on se rassemble à l’intérieur. Il y a cette idée de venir voir quelque chose qui va vous être présenté sur une scène. Et je voudrais qu’on se débarrasse de cette idée.
Lorsque nous dansons, nous abattons les murs. Je souhaite que les danseur·euse·s et la performance entrent en relation avec le monde, qu’iels y répondent en tant que participantes actives. Cela signifie que la danse mobilise les personnes qui choisissent d’en être témoins. Mais il s’agit également de savoir comment nous pouvons être des participant·e·s actif·ve·s à l’égard de nos parents plus-qu’humains, à l’égard de ce qui se passe dans le monde. Nous ne pouvons danser et oublier qu’il y a un génocide qui a lieu à Gaza. Nous devons nous assurer que nos danses demeurent reliées au monde.
Being Future Being: Inside Outwards fait partie d’une trilogie. Qu’est-ce qui la relie aux autres volets ?
Being Future Being est une seule œuvre, mais elle comporte trois parties. Au FTA, nous présentons Being Future Being: Inside / Outwards, qui se trouve être celle qui se déroule majoritairement sur une scène, à l’intérieur. Une autre partie de l’œuvre, Being Future Being: underneath, est une performance qui se déploie dans un grand espace à l’extérieur. Quant à Being Future Being: Land / Celestial, cette partie a été créée en relation avec des arbres ou des peuplements d’arbres qui sont menacés dans les lieux où nous dansons.
Being Future Being est une pièce collaborative, qui implique de nombreuses personnes organisées en « branches ».
La création de performances m’apprend beaucoup sur la structure. C’est à partir de la pièce elle-même que les branches se sont développées. Pendant que je créais Being Future Being, j’étais en conversation continue avec les penseur·euse·s et les chercheur·euse·s Karyn Recollet, Dylan Robinson, Camille Usher et Joseph Pierce. Nous avons réalisé que le processus de création et la discussion s’étaient infiltrés l’un l’autre. J’en suis venue à appeler cette conversation la branche de l’Érudition.
La branche du Faire, ce sont toutes les personnes qui composent l’équipe créative. Les danseur·euse·s Stacy Lynn Smith, Brandi Norton, Sugar Vendil et Ashley Pierre-Louis. IV Castellanos producteur de la pièce et communau-connecteur·rice, Raven Chacon qui a composé la musique, Maggie Thompson qui avait conçu les courtepointes en 2012, Korina Emmerich qui a confectionné les Êtres-Courtepointes.
La branche du Savoir, c’est un groupe de femmes et de personnes non binaires issues de Nations de la diaspora lenape, qui développent de nouvelles formes de protocoles et fournissent un soutien à la création.
La branche de l’Action, je l’appelle l’architecture du débordement. C’est ce qui déborde de Being Future Being en direction du public. Pendant la performance, j’invite les personnes présentes à se pencher sur leur rapport au territoire et à orienter toutes leurs cellules en direction de la justice. Il s’agit d’une démarche que les danseur·euse·s entreprennent depuis de nombreuses années. C’est passionnant de réfléchir à ce que cela signifie.
Si les millions de cellules que contiennent votre corps s’orientent vers la justice, ce dernier ne peut que s’engager dans ce sens. Porter attention au monde par tous ses sens est une manière d’entrer en relation avec ce qui nous entoure qui serait bénéfique si on la pratiquait davantage. Que pourrait être alors notre monde futur ? Que pouvons-nous faire ensemble ? Et, après le spectacle, pouvons-nous passer à l’action ?
L’objectif de la branche de l’Action est d’élaborer des actions qui encouragent l’autodétermination autochtone, et soutiennent les efforts locaux de rematriation et de protection des teritoires.
